Yann Kersalé
Sammode a choisi Yann Kersalé pour imaginer quatre luminaires utilisables aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Cette nouvelle ligne, baptisée Lö, rejoint les collections Sammode Studio.
Sammode × Yann Kersalé
La collection Lö signée par Yann Kersalé s’inspire de paysages glaciaires que l’artiste a jadis traversés. Deux voyages l’ont particulièrement influencé : l’un en Terre de Baffin, en 2001; l’autre au Groenland, en 2012. Deux séjours au-delà du cercle polaire arctique, en territoire inuit. Il y découvre alors la glace dans tous ses états et en glane une myriade de photographies, illico intégrées à sa banque d’images référentielles. De la glace – « cette lumière solidifiée », dixit Kersalé –, il apprécie l’éclat et la transparence, la manière dont elle capte la lumière et la décompose.
En 2016, les premières esquisses pour la collection Lö reproduisent directement lesdits clichés sur un film translucide, à introduire à l’intérieur de l’emblématique tube Sammode. Puis, la recherche se focalise sur les effets prismatiques de la réflexion de la lumière sur la glace, pour aboutir au choix d’une pellicule réticulée. Le résultat fait son originalité : grâce à deux films translucides superposés – l’un prismatique, l’autre miroir –, le luminaire arbore deux facettes. Allumé, le premier déploie ces prismes étincelants à l’infini. Éteint, le second reflète à l’envi l’environnement alentour. Issus de la langue inuit, les noms des luminaires – Nilak, Qanik, Qinu – illustrent divers états de la glace. Le patronyme de la collection, lui, est un jeu sur la sémantique du mot « l’eau ». Pour Sammode, l’eau devient Lö.
© Morgane Le Gall
Entretien avec Yann Kersalé
Christian Simenc: Vous souvenez-vous de votre premier contact avec Sammode?
Yann Kersalé : J’ai un souvenir très précis de ce moment: c’était au milieu des années 1970, j’étais alors étudiant à l’école des Beaux-Arts de Quimper et mon colocataire, un Irlandais, m’avait invité à venir visiter son pays. Sur le ferry qui faisait la traversée jusqu’à Dublin, j’ai remarqué les lampes d’ambiance et l’éclairage qu’elles dispensaient. Je n’ai su que longtemps après qu’il s’agissait de luminaires Sammode.
CS: Au moment d’élaborer vos premières créations, vous vous retrouvez une nouvelle fois nez-à-nez avec des produits de la marque…
YK: Après mes études aux Beaux-Arts, j’ai commencé à travailler avec la lumière. En 1981, j’ai conçu une installation pour un haut-fourneau de la Société métallurgique de Normandie, à Caen. Elle s’intitulait Siderxenon. En amont du projet, j’ai visité l’usine et repéré ces appareillages extraordinairement costauds, faits pour supporter à la fois les intempéries et les conditions extrêmes. Il s’agissait, à nouveau, de luminaires Sammode. C’était exactement le type de matériel dont j’avais besoin pour réaliser mes installations lumineuses en extérieur. À l’époque, hormis modifier des produits existants ou détourner du matériel industriel, il n’y avait pas beaucoup de solutions. Que la lumière soit émise par un objet aussi étanche fut, pour moi, une révélation. Le tube Sammode était un dispositif idéal.
CS: Très vite, vous êtes amenés à œuvrer avec des architectes. Que leur proposez-vous ?
YK: Par mon travail avec la lumière, je génère une deuxième vie du bâtiment, la nuit. Je propose aux architectes une autre vision, crée une histoire, une mise en lumière qui n’est pas seulement due à la lumière fonctionnelle générée par l’intérieur du bâtiment. En fait, avec leur édifice, je crée une sculpture.
CS: Vous avez plus particulièrement collaboré avec Jean Nouvel ?
YK: Oui, dès 1989, avec la mise en lumière de l’Opéra de Lyon, une installation baptisée Théâtre Temps. Puis, les projets se sont enchaînés comme, entre-autres, les jardins du Musée du Quai Branly j’imagine qu’il faudra encore attendre quelques années avant que cela ne passe du stade de la recherche fondamentale à celui de la recherche appliquée.
CS: Les nouvelles technologies sont-elles des outils pour l’artiste ?
YK: Oui, car elles permettent de travailler la lumière dans le registre du sensible, non plus uniquement de manière décorative ou fonctionnelle. Un artiste doit se les approprier non pas de façon spectaculaire, mais de manière poétique.
CS: La lumière peut-elle participer au bien-être ?
YK: Absolument: la lumière est un élément essentiel de la vie. Elle est aussi primordiale que l’acoustique ou la température. Une lumière trop agressive est néfaste. Le bien-être nécessite différents types de gradation lumineuse, différents « climats ». Il existe aussi, évidemment, un rapport psychologique à la lumière. Une « bonne » lumière, c’est comme un bon repas, une question de justesse des ingrédients.